COLLECTION : CONSERVATION OU DENATURATION ? (G. DUMONT)

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epbb
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COLLECTION : CONSERVATION OU DENATURATION ? (G. DUMONT)

Message par epbb »

COLLECTION : CONSERVATION OU DENATURATION ?
(Par Gérard Dumont)

L'exposé qui suit peut paraître aller à contre-sens de certaines idées bien ancrées dans l'esprit des collectionneurs de plantes carnivores. Il n'a pas pour but d'apporter la contradiction à quiconque et encore moins d'entamer une polémique. Il tente seulement d'élargir une certaine vision des choses sur un sujet d'actualité : "la protection et la conservation", sujet de plus en plus souvent abordé dans la "presse phytophile" et, à mon sens, très souvent mal présenté par celle-ci (maladresse ou volonté ?) et de ce fait mal interprété par certains lecteurs...

On essayera donc ici d'évaluer...

... l'intérêt général de la mise en culture d'une plante rare ou menacée en tant que moyen de sa conservation et de sa protection.
... l'intérêt réel et potentiel des collections d'amateurs en tant que support de cette mise en culture conservatoire.

Cet exposé se propose donc d'essayer d'estimer l'utilité réelle des collections d'amateurs comme moyen de préservation des plantes rares ou menacées qu'elles recèlent.

Bien que les mécanismes biologiques énoncés plus loin soient connus de longue date, ils sont encore trop souvent négligés ou mal interprétés par de nombreux amateurs. Une présentation successive de ces mécanismes, telle qu'elle sera effectuée, n'est qu'une nécessité didactique, car en pratique ceux-ci se présentent de manière intriquée et sont difficilement dissociables. Malgré cela, certains lecteurs pourront trouver cette présentation inutilement compliquée, mais il était difficile de simplifier à l'extrême certains concepts et problèmes alors que le but de ces lignes est justement de dénoncer l'approche trop souvent simpliste qui en est faite par les amateurs et, bien souvent aussi, par leurs bulletins associatifs.
Tout au long de cet exposé on ne devra pas perdre de vue que la préservation isolée d'un végétal, que ce soit in situ ou ex situ, n'est que l'abord d'un problème par le petit bout de la lorgnette, et s'intègre dans un cadre beaucoup plus vaste qui est celui de la préservation des biotopes et de leurs biocénoses (d'un point de vue spatial) et des écosystèmes (d'un point de vue fonctionnel). Et dans ce cadre étriqué de la préservation isolée d'un organisme, la conservation ex situ, c.à.d. en culture, reste elle-même marginale et secondaire par rapport à la conservation in situ, c.à.d. dans son milieu naturel.

Les amateurs gardent en culture essentiellement des plantes naturelles, les cultivars étant très minoritaires dans ce genre de collection (du moins le pensent-ils... On verra plus loin que la réalité est souvent bien différente). Or, nombre de leurs protégées sont des plantes rares et ponctuelles dans leurs milieux naturels, et souvent menacées, le plus souvent du fait d'activités humaines (aménagements fonciers, agriculture, pastoralisme, cueillette... ).

A noter que les notions de rareté et de péril sont, dans une certaine mesure, indépendantes. En effet, la rareté d'une plante ne signifie pas forcément qu'elle est en péril, et la rareté ne justifie donc pas à elle seule la mise en place de mesures de protection. A l'inverse, la rareté d'une plante n'est pas obligatoirement nécessaire à la mise en place de telles mesures, un péril pouvant s'exercer sur une plante encore relativement commune. Il est donc indispensable d'adjoindre une troisième notion, celle de vulnérabilité, plus adaptée mais souvent négligée.
Comme il n'est pas toujours possible d'intervenir sur les facteurs locaux de mise en péril d'une plante, il paraît donc logique, aux yeux de beaucoup d'amateurs, que l'introduction et la multiplication en culture d'une plante menacée soit un facteur bénéfique pour sa préservation.

A leurs yeux, le bénéfice de cette mise en culture s'exerce à deux niveaux :
1. Diminution des prélèvements sur les sites naturels, puisque des plantes multipliées artificiellement sont disponibles.
2. Possibilité de réintroduction ultérieure si nécessaire, à partir des plantes ainsi "conservées" en culture.

Il est indiscutable que l'introduction en culture d'une plante menacée ET présentant un intérêt horticole (comme le sont une grande partie des plantes carnivores) diminue la "pression de collecte" qui pèse sur celle-ci dans son milieu naturel. Cette "pression de collecte" est d'autant plus élevée que l'absence ou la rareté d'une plante en culture accroît une demande déjà fortement stimulée par la rareté de la plante in situ. Cet effet boule de neige ne peut être cassé que par l'introduction et la diffusion large en culture de toute plante rare sur laquelle s'exerce une demande horticole. Cette conséquence favorable est donc tout à fait exacte, et en cela la mise en culture de plantes menacées, et leur introduction dans les circuits commerciaux ou associatifs, sont effectivement des éléments très favorables à la préservation de celles-ci.
Malheureusement, l'intérêt réel de la mise en culture pour la préservation des plantes est souvent mal interprété par les amateurs. Bien que ceux-ci soient généralement conscients de cet impact favorable sur les prélèvements in situ, ils minorent souvent cet intérêt majeur au bénéfice d'un concept totalement fantasmatique de "conservation" en culture, concept qui va souvent jusqu'à assimiler préservation et mise en culture. De là à assimiler les collections d'amateur à un moyen de conservation et de préservation des plantes qui y sont gardées en culture, il y a un pas qui est souvent trop vite franchi...

Là est la profonde erreur commise par la plupart des amateurs, quand ils pensent que, si, par malheur, les plantes concernées venaient à disparaître de leurs milieux naturels, il serait possible de les réintroduire in situ en utilisant des exemplaires issus de culture. D'où l'importance supposée des collections d'amateurs vues comme un vaste conservatoire décentralisé de matériel végétal vivant. Cela n'est pourtant pas totalement faux mais...



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